Installation

Factice

Dix vases en verre transparents contiennent des bouquets de fleurs artificielles en plastique. Les pétales des fleurs sont peints en vert. Autour de l’installation, l’artiste a parsemé le sol de pétales naturels. En peignant les pétales de ces fleurs synthétiques en vert, l’artiste a voulu mettre en avant leur aspect artificiel. C’est une sorte d’incongruité. Les fleurs vertes ne sont pas des fleurs dans l’imaginaire collectif ; une fleur est généralement associée à des pétales colorés : les roses rouges, le lys blanc, le mimosa jaune, le lilas violet. 

Peintes d’une seule couleur, il devient impossible de les confondre avec des fleurs naturelles. La démarche de l’artiste pourrait être rapprochée de celle du peintre René Magritte qui, dans son fameux tableau La trahison des images (1928-1929), avait peint une pipe sous-titrée “Ceci n’est pas une pipe” pour souligner qu’une image, aussi mimétique soit-elle, n’est jamais la réalité.

 Pour comprendre toute la portée de cette oeuvre, il faut se souvenir du contexte artistique de l’époque : l’instrumentalisation des images par les mouvements politiques extrêmes, l’art abstrait, l’intérêt pour l’inconscient chez les artistes surréalistes. Ici, l’artiste utilise des fleurs artificielles tout comme Magritte avait peint une pipe, et il peint les fleurs en vert tout comme Magritte avait écrit “ceci n’est pas une pipe”. 

La démarche a en commun le thème de l’illusion. Ici, le discours de l’artiste est cependant plus ouvertement dénonciateur : nous avons le sentiment de vivre dans une nature “naturelle” mais, en réalité, la nature est devenue “synthétique” et a été dénaturée par l’homme. C’est toute l’histoire de l’humanité, d’ailleurs. La Nature est féconde mais, hélas, également imprévisible. 

Pour minimiser l’impact de l’aléatoire, l’homme est devenu un acteur de la nature et a cherché à la maîtriser. Sur un plan microscopique, il modifie les génomes et créer des OGM. Il la dénature, pourrait-on dire, en tentant de s’y substituer. Une autre lecture de ces vases concerne la nature en tant qu’environnement. 

Ces vases sont des îlots de nature qui peuvent rappeler les bacs végétalisés des terrasses des immeubles. L’architecture du future prendra en compte notre besoin de nature en créant des tous végétalisées, comme celles qu’on peut voir à Milan devant la gare Garibaldi. Quelle que soit l’interprétation, il reste que, du point de vue formel, ces vases qui composent cette installation sont disposés en bataillon, alignés comme des soldats. 

Une armée sous contrôle, une nature qu’on a l’illusion de contrôler en l’aménageant et en la modifiant, si ce n’est pas plutôt l’inverse, une nature qui nous contrôle et qui reprendra inexorablement ses droits, comme elle l’a toujours fait. “Cette nature factice”, dit l’artiste à propos des vases, “est un bataillon qui nous menace ; tout est possible. Cela laisse présager des moments difficiles à venir.”